Une fois n'est pas coutume, causons théâtre, avec la pièce de Denis Baronnet et Ronan Yvon Alimentation générale, une comédie d'horreur qui prend le pari de ressusciter la scène du Grand Guignol en transposant sur les planches le mythe du Zombie. Forcément, à Cabine Fever, ça nous a interpellé, et nous sommes aller vérifier sur pièce. De nos jours, à Paris, en quelques heures une catastrophe se produit, transformant la population en morts-vivants cannibales. Une maigre troupe de survivants terrés dans le sous-sol d'une épicerie du 18ème cherche à sauver leur peau tandis que dans un laboratoire, une chercheuse tente de trouver un remède à la pandémie qu'elle a peut-être elle-même déclenchée... Voilà en quelques lignes résumé le point de départ de l'action, et si vous avez une impression de déjà-vu, c'est évidemment voulu, puisque la volonté explicite des auteurs est de reprendre les tropes du cinéma d'horreur contemporain en les suivants à la lettre, à la manière d'une contrainte Oulipienne, pour les passer à la moulinette de leur humour noir. On trouvera donc en toute logique toute une galerie de personnages propre « Survival horror » : une enfant traumatisée, une mère de famille badass qui pourfend les zombis à l'épée, le savant fou et son Igor de service, un geek qui connaît son George Romero sur le bout des doigts mais pas très brillant sur le champ de bataille...et bien sûr un bon paquet de zombis à pourfendre ! Sur le papier c'est plutôt vendeur, mais quand on a en tête l'échelle de grandeur qui sépare la petite scène du Théâtre des Béliers des superproductions américaines qui submergent depuis une bonne décade et tous médias confondus (BD, cinéma, télévision) la planète Zombie, on était en droit en pénétrant dans la salle de craindre que ça ne tienne guère la route au delà du prédicat de départ. Pour contourner l'obstacle les auteurs avaient deux options : soit le huis-clos en hors-champ, misant sur l'économie de moyens en tenant la menace hors de vue pour se concentrer sur la psychologie des personnages, soit au contraire miser sur l'action à grand spectacle. Et bien à mon grand étonnement ils ont choisi les deux et ça fonctionne du feu de Dieu ! Construisant leur narration à la façon des films dont ils s'inspirent, ils découpent le plateau entre l'avant-scène et le fond permettant des allers-retours entre la cave de l'épicerie et les différents lieux de l'action (un appartement, un laboratoire, une rue) ; osent des flash-backs, des fondus au noir, des jump-cut grâce à des transitions vidéos projetées sur un écran transparent, bref, utilisent tous les gimmicks du cinéma pour les mettre au service d'une troupe d'acteurs survoltée qui court, se bat, s'engueule, se dévore, pleure et rit à l'unisson du public conquis par leur énergie. (mention spéciale à Ariane Mourier, hilarante en motarde hébétée, mais tout le casting mériterait d'être mentionné). Si la mise en scène est constamment inventive, c'est bien grâce à l’abatage des comédiens et de leur connivence avec le public que la pièce atteint son but : nous faire rire en nous faisant peur. Oscillant sur le fil du rasoir entre premier et second degré, et pleinement conscient que le public potentiel venu assister à la représentation a derrière lui un background exhaustif du cinéma d'exploitation, les acteurs jouent à fond les situations les plus grotesques mais sans jamais tomber dans un cynisme ricanant. De part et d'autre du plateau, personne n'est dupe, mais tout le monde joue le jeu, et c'est en ça qu'Alimentation générale remporte son pari. Avant de conclure je m'en voudrais de ne pas dire un mot des effets spéciaux, qui vous vous en doutez tiennent une grande place dans la crédibilité du récit, et franchement, ils sont bluffants ! Si les maquillages tiennent parfois un peu du masque d'Halloween (encore que celui de la zombie-Minnie soit particulièrement réussi...heu oui il y a une zombie déguisée en Minnie sortie d'EuroDisney à la fin, ça vous donne une idée de la tonalité!), les effets gores sont vraiment efficaces, surtout si on tient compte du fait que certains acteurs tiennent plusieurs rôles et n'ont que quelques minutes pour les appliquer. Qu'un modeste théâtre privé ait les cojones de produire un spectacle aussi atypique dans le paysage contemporain, rien que pour ça Alimentation générale mériterait d'être vu. Alors si vous avez envie de découvrir en live ce que vous avez vu bêtement avachi dans votre canapé, courez-y, et courez-y vite, avant qu'ils ne vous chopent ! Alimentation Générale
Une pièce de zombies de Denis Baronnet et Ronan Yvon Mise en scène par Frédéric Thibault Avec Philippe Berotod, Ariane Brousse, Martin Darondeau, Nathalie Mann, Ariane Mourier, Ghita Serraj Au Théâtre des Béliers 14 bis rue Saint-Isaure 75018 PARIS crédits photos beeh.fr
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