Laissez moi vous parler d'un artiste, très connu des festivals, beaucoup moins du grand public, d'un génie à l'univers torturé et torturant mais d'une beauté fascinante. Décédé en Mars 2019 à seulement 50 ans, sa disparition est une perte irréparable pour le monde de l'animation et du court-métrage, autant que pour ses fans.
Rosto était un artiste transmédia (au meilleur sens du terme) qui alliait d'une façon très originale prises de vue réelles avec des acteurs grimés à tout un univers graphique entièrement réalisé en numérique, nimbé dans l'atmosphère mélancolique et difficilement descriptible du groupe de rock qu'il avait cofondé, "the Thee Wreckers". Armé de ces outils, il abordait des thèmes aussi complexes que le monde du rêve, les souvenirs , la nostalgie du temps qui passe et la mort, créant une œuvre d'une puissance poétique unique, qui restera à jamais gravé dans les mémoires de ceux qui l'ont, ou vont, la découvrir. Par Inanna Ivert
Rosto (de son vrai nom Robert Stoces) est néerlandais . Il a créé son studio Rosto A.D. en 1995, à Amsterdam et ne cessait depuis d'écrire, produire et réaliser des courts métrages plus troublants les uns que les autres.
Tout commence en 1993 avec un groupe, les Thee Wreckers. Leur musique, sorte de blues rock mélancolique, a inspiré à Rosto une nouvelle graphique online en 13 épisodes (disponibles sur Viméo) Mind my Gap. Mind My Gap - Trailer from Studio Rosto A.D on Vimeo. Les Thee Wreckers composent également la bande son d'une trilogie de courts, dérivée du roman graphique : Beheaded, Anglobilly Feverson et Jona/Tomberry Puis arrive la première apparition des Thee Wreckers en 2008 (ou plutôt de leurs alter-ego monstrueux : W.Walley, W.Rooney, W.Folley et W.Rosto) dans un "clip" illustrant leur chanson (mais sans but commercial, le groupe n'ayant jamais sorti d'album), premier d'une quadrilogie. Ce premier opus, No place like home se tient dans la continuité de Mind my Gap, fantasmagorique et sombre, porté par la musique du groupe. Rosto s'écarte de sa tétralogie pour un conte musical fantastique, Le Monstre de Nix, en 2011, interprété, excusez du peu, par Terry Gilliam et Tom Waits. Ce magnifique court n'est malheureusement pas trouvable sur des sites gratuits, mais, une fois n'est pas coutume, petite promotion d'une découverte, le site Bref, plateforme de streaming payante (4€/mois ou 40€/an), propose un catalogue de courts métrages impressionnant, sans cesse renouvelé. Vous pourrez donc y voir cette fable troublante et captivante jusqu'à la fin novembre. Une pincée de Tim Burton, un zeste de L'histoire sans fin, le tout raconté avec le talent et l'imagination d'un David Lynch animé. Regardez le trailer et dites moi que ça ne vous fait pas envie... Je crois bien que c'est ce qu'on a vu de plus créatif depuis une paire d'année... Retour à la quadrilogie avec en 2013 Lonely Bones (visible également sur Bref) et en 2015 Splintertime (une pure merveille sombre que je vous conseille, à mon avis plus facile d'accès que les deux premiers de la série). Dernier épisode en 2018, Reruns met en scène des rêves et des souvenirs de Rosto qu'il dit lui même avoir "essayé de retranscrire le plus objectivement possible car aucun souvenir n'est objectif". Il s'est appuyé sur un film d'enfance en 8mm où il est dans la maison de sa grand-mère puis nous montre les différentes étapes de sa vie jusqu'à la mort (se savait-il déjà condamné ?).
Il n'est pour l'instant disponible sur aucune plateforme, mais j'ai eu la chance de le voir au festival Court Métrange de Rennes en 2018.
Une petite bande annonce pour vous faire saliver. Pour terminer, je vous laisse en bonus, deux petites interviews de ce grand monsieur (et une d'un de ses producteurs, Nicolas Schmerkin) qui a su développer un univers très personnel mais auquel le spectateur ne peut rester indifférent. On n'a pas forcément tout compris, mais c'est juste génial... NB : nous ne sommes évidemment pas les seuls à rendre hommage à Rosto : article du festival d'Annecy, de la plateforme Brefcinema, séance spéciale à l'Etrange festival et j'en passe...
UPDATE
28 février 2020
Le distributeur Autour de minuit sort en salle Thee Wrechers Tetralogy, qui regroupe donc les courts No place like home (2008), Lonely Bones (2013), Splintertime (2015) et Reruns (2018)
Rosto avait, dès le début de leur réalisation, pensé à ces courts comme un ensemble, destiné à être vu d'une traite.
Pour les avoir visionné séparément, puis avoir eu l’opportunité de voir le montage final de la tétralogie, je reconnais que les courts de Rosto prennent une dimension bien supérieure lorsqu'ils sont ainsi accolés.
La tétralogie ajoute deux petits bonus aussi intelligents que pertinents : elle commence avec un écran noir accompagné d'un morceau des Thee Wreckers, ce qui permet au spectateur de se mettre dans l'ambiance et de rentrer dans l'univers de Rosto par la porte sonore, sans être perturbé par le visuel (qui au premier regard, peut être déroutant).
Elle se clôture sur un documentaire/interview/making-off qui éclaire les néophytes sur l'oeuvre et permettent à ceux qui sont déjà familier d'en apprendre plus sur la conception et la réalisation de ces courts. Bref, courez-y et découvrez un petit bijou hors norme !
AU CINÉMA LE 4 MARS 2020
Réalisation : Rosto Durée : 70 min. Année : 2019 Pays : Pays-Bas, France, Belgique Production : Studio Rosto A.D, Autour de Minuit, Valk Producties, S.O.I.L, A Private view Langue : Dialogues anglais, sous-titres français.
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