De mémoire de cinéphile, je n'avais pas pris une telle claque devant un film d'animation depuis le sublime La Tortue rouge sorti l'année dernière, et auquel je n'avais pu consacrer un article faute de temps. Pas question de rater le coche cette fois, alors embarquez avec moi sur l’île des enfants oubliés pour un voyage dont vous ne reviendrez pas indemne! le silence de la raison engendre des monstres... Sur une île ravagée par une catastrophe écologique, les habitants tentent de survivre vaille que vaille ; les adultes veules ou malades en niant la réalité, leurs enfants en rêvant de s'enfuir par tous les moyens, fussent les plus dangereux. Birdboy s'envole à tire d'aile dans les paradis artificiels quand sa meilleure amie Dinky entreprend une quête périlleuse dans les zones dévastées à la recherche d'une embarcation pour mettre les voiles vers de plus vertes prairies. Mais partout le danger rôde, et plus pernicieux encore, la désolation, qui transit les cœurs et dévore les espoirs... milton: 1 disney:0 Rien n'est plus difficile que d'avoir les mots juste pour bien parler de poésie, et Psiconautas, tout à la fois fable dystopique sur notre monde finissant et portrait de la génération qui en hérite, en est un exemple chimiquement pur : un poème d'une beauté poignante, dont le résumé de l'intrigue ne donne aucune idée des merveilles qu'il recèle. Sur le motif rebattu du paradis perdu propre aux fables écologiques à visée édifiante, Psiconautas se distingue par le ton résolument mature de sa narration, ses audaces thématiques très noires et le contrepoint constant qu'il opère entre une imagerie classique de dessin animé pour enfant (les personnages sont des animaux), et la violence de ce qu'il nous donne à voir. A la manière des Fleurs du Mal, la beauté surgit sur des tombereaux d'ordures, fragile comme un lys, et d'autant plus émouvante. une fable pour adulte racontée par des enfants A la croisée des chemins entre le conte pour enfants puisque les personnages sont des animaux aux comportements anthropomorphiques : Birdboy un oiseau, Dinky une souris, leurs amis une lapine possédée par un étrange démon et un cochon marin qui trafique dans le commerce de drogues pour subvenir au besoins d'une mère possessive et malade; et le film post-apocalyptique (qui en reprend les principaux tropes : l'isolation, la fin du monde, les luttes entre clans, la dégénérescence et la violence), Psiconautas invente sa propre forme en y instillant une mélancolie traversée de fulgurances visuelles au service d'un récit complexe et psychologiquement profond,qui évoque tour à tour les questions de la filiation, des responsabilités qui échoient aux générations futures et à l'impossibilité d'y faire face, aux antipodes du tout-venant de la production contemporaine qui caresse le public dans le sens du poil, en particulier dans le domaine du film d'animation où le "happy end" est de rigueur. Il n'y a pas de "happy end" dans Psiconautas , comme dans la vie, et c'est tout à l'honneur de ses auteurs, en cohérence avec leur propos, de n'y avoir pas cédé, quand bien même ils obèreraient leur public potentiel en l'entrainant dans une spirale dépressive: chapeau! féérie pour une autre fois Psiconautas est rugueux, âpre et désespéré, à l'image de son personnage le plus emblématique, Birdboy, l'oiseau mutique au regard vide qui gobe des cachets dans l'espoir de fuir le passé et sa destinée méta-christique, aux risque de libérer ses démons intérieurs ; à l'image aussi de son parti-pris esthétique, refusant la facilité de l'animation numérique au profit d'un dessin crayonné tantôt monochrome, charbonneux, tantôt pétant de couleurs, qui vous happe et vous entraîne dans des hallucinations cauchemardesques qui resteront gravées pour longtemps dans vos esprits. guernica uber alles Tiré d'une bande-dessinée inventée par Alberto Vasquez (le co-réalisateur) , Psiconautas est une quintessence de l'art espagnol. Si j'y ai vu dans les thématiques des réminiscences des films d’anticipation de René Laloux dans les années 80, son tropisme hispanisant ne fait pas l'ombre d'un doute. Quand bien même certains critiques ont évoqués les mannes de Tim burton et Guillermo Del Toro (je suppose que ça fait vendre), , il ne fait pas l'ombre d'un doute que sa réelle inspiration doit se trouver chez Dali, et plus encore chez Goya, dont la ténébreuse prescience obombrait déjà notre siècle à venir. Et Picasso? Et comment! Découvrez la séquence finale sans y voir une réminiscence de Guernica. Psiconautas est un chef d’œuvre d'animation, à l'instar de la belle au bois dormant de Disney et du conte des contes de Norstein, et sous ma plume, ça n'est pas peu dire! écrit et réalisé par Pedro Riveiro et Alberto Vasquez (d'après son roman graphique) Espagne / 90 mn /2016 INTERDIT AUX MOINS DE 12 ANS
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