Aujourd'hui, grand écart facial avec un film en noir et blanc, en huis clos, au début du siècle et une comédie noire sur les dérives de la modernité... par Innana Ivert Fin du 19ème siècle, un phare, sur une île perdue au milieu de la mer, on suit les quatre semaines que les deux gardiens passent coincés là-bas, entre tâches quotidiennes et confessions, réalisme et hallucinations. Le premier choc visuel est le format, 4/3, puis l'utilisation d'optiques très particuliers qui donnent un grain "authentique" à l'image. On aurait presque l'impression de regarder un documentaire des années 20. L'éclairage et le cadrage oscillent entre l'hyper-réalisme et l’expressionnisme allemand (et étrangement, le mélange fonctionne). L’installation de l'ambiance, moite de pluie et d'eau de mer, suintante comme la roche moussue d'une jetée, provoque chez le spectateur une immersion sensorielle dans la vie de ces personnages, et lorsque surviennent les incursions du fantastique dans cette banalité, crée une empathie inattendue avec ces deux hommes; on y croit à fond et on tremble avec eux, suivant la descente du personnage de Pattinson dans une folie profonde. La direction d'acteur est exceptionnelle et le choc visuel que produit le film laisse une trace indélébile dans l'esprit du spectateur. Le réalisateur nous avait scotché en 2016 avec The Witch, conte de fées horrifique dénonçant le puritanisme de l'Amérique des années 1600; il nous remet une bonne claque avec cette nouvelle incursion dans un fantastique plus lovecraftien mâtiné de thriller psychologique, où la folie de l'enfermement (en VO cabine fever....) découle des relations toxiques de deux hommes empoisonnés par leur passé et leurs superstitions. Le film sera distribué par A24films, mais pour le moment sans date de sortie... eiADDENDUM (par Hyppolite Büro) Le film est finalement sorti sur les écrans français ce mercredi 18 décembre (jour de sortie du dernier Star Wars, pas de bol, parce qu'il risque de quitter l'affiche avant que la colle soit sèche et ce serait vraiment dommage, parce qu'on ne tombe pas tous les jours sur un film de cet acabit). Je ne vais pas revenir sur les points évoqués plus haut par Innana, si ce n'est pour abonder dans son sens et dire tout le bien que je pense de ce film , et apporter quelques précisions à chaud. 1) LA PHOTO: C'est ce qui saute aux yeux dès les premiers plans: filmé sur pellicule Kodack XX dans un ratio 1/33, on est face à un film qui ne triche pas avec son sujet, ni avec la perception qu'en aura le spectateur. Bien qu'il ne soit jamais donné de date explicite dans le déroulement du récit, la charte graphique (ainsi que les décors et les costumes) situe le film à la toute fin du 19ème siècle, soit la naissance du cinéma, et rien que pour ça (nonobstant la beauté des contrastes qu'on ne retrouve qu'en argentique -il suffit de voir un film en Noir &Blanc tourné en numérique pour voir qu'il a été tourné en couleur puis déssaturé à l'étalonnage), le film serait déjà une merveille. 2) LE CADRE: Découlant du point précédent, le cadre est une constante référence aux grandes figures du muets; non content de rétrécir l'espace, contribuant à créer une ambiance claustrophobe de nature à nourrir l'aspect paranoïaque du récit, il n'y a pas un plan qui ne se réfère aux Grands Anciens: les Victor Sjoström, les Carl Dreyer, Les Sergueï Eisenstein, tous les maîtres qui ont construit la grammaire cinématographique de la grande époque du muet. Eggers aime le cinéma et le prouve en reprenant cette grammaire, un peu à la manière d'un autre amoureux du cinéma des origines, Guy Maddin, mais sans jamais que ça paraisse artificiel ou affecté. On est loin d'un quelconque maniérisme ici, le cadre sert un propos (j'y reviendrais). C'est là que je rentre partiellement en désaccord avec Innana, lors qu'elle évoque l’expressionnisme Allemand (à sa décharge elle n'a pas été la seule à faire ce que je considère comme un contre-sens); l’expressionnisme Allemand se caractérise avant tout par la déformation de la réalité (si on prend comme canon le film fondateur de cette mouvance, "le cabinet du docteur Caligari"), qui se manifeste par la stylisation des décors, l'accentuation des maquillages et le jeu anti-naturel des acteurs. Or ici rien de tel; si on met de coté les forts contrastes de la photo, on est au contraire dans un environnement quasi-documentaire, mais qui fait la part belle aux très gros plans de détails, de visages, qui rappellent davantage les œuvres d'Abel Gance ou, comme cité ci-dessus, de Dreyer. Et c'est du décalage entre la photo naturaliste et l’extrême violence des rapports entre les deux personnages que surgit le fantastique. 3)L’INTERPRÉTATION Je n'ai pas grand chose à ajouter sur ce qu'à dit Innana, si ce n'est que Willem Dafoe et Robert Pattisson, par l'intensité et la complexité de leur interprétation, ne contribuent pas pour peu à la réussite de ce film; ce qui n'est pas très étonnant pour un acteur du calibre de Dafoe, qui n'a plus rien à prouver mais continue à s'investir dans ses rôles d'une manière que ne renierait pas Daniel Day Lewis; en revanche ça confirme ce que je pense de Pattisson, acteur plutôt falot à première vue mais qui ne cesse de m'étonner par ses choix de carrière (on le sent déterminé à enterrer sa prestation de minet dans "Twillight"). 4) LES THÈMES: Bien que sa fin soit ouverte à toutes les interprétations (drame psychologique, récit fantastique), le film d'Eggers évoque par son utilisation des mythologies antiques( grecque en particulier) un certain nombre de thèmes qui tous se concentrent autour de la question de la domination masculine: rapport maître/esclave, père/fils, voire homo-érotique à un certain moment du récit, l'auto-destruction psychique des personnages semble conduite par leur incapacité à s'avouer qui ils sont vraiment. Bref, et pour conclure, THE LIGHTHOUSE est une très belle leçon de cinéma, de celles qui lavent le yeux et redonnent espoir dans la capacité de croire que le cinéma peut toujours se réinventer, ou a tous le moins, faire du neuf avec du vieux, en mieux. De Benoit Forgeard Jerem, rappeur méconnu, vit dans la maison de sa grand-mère. Pour ne pas à avoir à faire les courses, il accepte, en test, d'accueillir chez lui Yves, un réfrigérateur intelligent, sans savoir que ce dernier bouleverserait sa vie... Comédie, commentaire social sur la place de l’intelligence artificielle dans nos vie, romance, Yves porte plusieurs casquettes, le tout mêlé avec beaucoup de talent par son réalisateur et porté par ses acteurs, crédibles dans des situations pour le moins improbables (mais que l'on risque de voir d'ici quelques années, méfiance !). J'hésite entre la comparaison avec Quentin Dupieux pour la folie douce qui se dégage de ce film, et Black Mirror, pour le côté dystopique un peu flippant... Sans tout révéler du film, Yves finit par pourrir la vie de Jerem, sous prétexte de savoir "ce qui est le mieux pour lui". Bienvenue dans le monde merveilleusement inquiétant des algorithmes qui dirigent déjà en partie notre monde... Distribué par Le pacte, la sortie est prévue pour le 26 juin
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