Par Innana Ivert Tirée du roman éponyme de Neil Gaiman récompensé par le prix Hugo en 2002 (chroniqué ici), la première saison d' American Gods a débarqué cette année sur Amazon Prime avec un certain retentissement. Comme toute adaptation de roman à succès, elle a été attendue au tournant par les fans avec autant d'excitation que d'appréhension. Alors, réussite ou trahison? Le verdict dans les lignes qui suivent. Pour ceux qui auraient raté le début (ou qui n'auraient pas lu le roman), un petit rappel du pitch s'impose: Shadow Moon est un taulard qui bénéficie d'une sortie de prison anticipée; il doit assister aux funérailles de son épouse. Dans l'avion qui le ramène chez lui, il rencontre un vieux monsieur étrange, Mr Wednesday, qui l'embauche comme garde du corps. S'ensuivent de nombreux événements inexplicables : Shadow rêve d'un bison aux yeux enflammés, se bat avec un gigantesque rouquin qui sort des pièces d'or de nulle part et prétend être un Leprechaun, se retrouve à discuter dans une limousine numérique avec un morveux fumant de la peau de crapaud synthétique avant d'être lynché par des nervis sans visage...autant de signes d'une guerre à venir entre des forces qui le dépassent, une guerre à mort entre le Monde Ancien et le Nouveau, celui des Dieux contre celui des Hommes. Mais quel camp Shadow (et l'humanité à travers lui) veut-il, doit-il choisir? La première saison, qui se termine bien évidemment sur un cliffhanger, suit quasiment à la lettre le roman (s’arrêtant à la moitié, gardant le reste pour la saison suivante, ce qui n'est pas surprenant vu la complexité et la densité de l'histoire). La mise en scène, l'éclairage, décors et costumes sont particulièrement soignés. Le réalisateur est même assez habile pour mettre en images une séquence du roman que je pensais inadaptable (la première et marquante apparition de Bilquis). La série parvient également à intégrer les digressions qu'on retrouve dans le livre (intitulés « interlude » si je me rappelle bien) dans des scènes d'une beauté époustouflante (en cinémascope). Les 10 premières minutes de l'épisode 1, contant l'histoire de vikings débarquant au nouveau monde et honorant leur dieu guerrier en se massacrant mutuellement, est une fabuleuse entrée en matière. Les acteurs sont juste parfaits, que ce soit Ricky Whittle (vu dans The 100) en Shadow Moon, dans la retenue la plus totale, qui arrive juste en un regard ou une expression à faire passer les sentiments pour le moins perplexes de son personnage, incrédule et perdu dans cette histoire insolite. C'est à lui que le spectateur s'identifie, subissant avec lui les excentricités de Wednesday. Et quand on parle du loup... Ian McShane (qu'on a l'impression d'avoir vu dans de nombreux second rôles, comme dans la saison 6 de Game of throne) crève l'écran dans le rôle de vieux briscard, arnaqueur et manipulateur, dont on ne saisit absolument pas les motivations (accrochez-vous, vous ne comprendrez pas grand chose jusqu'à l'épisode 5). Parmi les autres personnages, Laura Moon (aka Dead wife, comme la surnomme Mad Sweeney) incarnée par Emily Browning (actrice principale du mauvais Sucker Punch et du dérangeant Sleeping Beauty), est aussi belle que touchante en revenante cherchant à sentir son cœur battre à nouveau (par un baiser de Shadow). Sa mort lui a fait réaliser à quel point Shadow était la lumière de sa vie (et du fait, de sa mort). Ce personnage est d'autant plus intéressant qu'il est moralement particulièrement ambiguë (elle traîne de sacrées casseroles, la demoiselle). Mad Sweeney, le Leprechaun malchanceux est hilarant et complètement déjanté grâce à son interprète, Pablo Schreiber, méconnaissable (Pornstache Mendez de Orange is the new black). Brute au grand cœur, l'acteur est crédible au possible et son sourire carnassier sied parfaitement au lutin maléfique (de quasiment 2m, quand même). Sa bagarre dans le bar avec Shadow ressemble réellement à un combat de géants, vu les carrures respectives de ces deux monstres... Les autres personnages ne déparent pas, que ce soit Bilquis (Yetide Badaki, sublime), et Czenoborg (Peter Stormare, inquiétant et brutal (Fargo, 8mm, Dancer in the Dark et le catastrophique Dylan Dog), tous deux dans des rôles secondaires mais marquants de dieux oubliés et fatigués, ou qu'ils s'agisse des antagonistes (les incarnations de la Modernité), le mystérieux Mr World (Crispin Glover, le George McFly, père de Marty de Retour vers le futur, flippant à souhait dans un rôle d'autant plus puissant et inquiétant que ce qu'il est censé représenter demeure incertain [NDLR: une figure de Big Brother symbolisant l'ubiquité des techniques de contrôles utilisées dans notre monde moderne ? ]), Media (Gillian Anderson, qui passe par tous les avatars télévisuels et iconiques imaginables, de Lucille Ball au David Bowie période Ziggy Stardust) et last but not least l'horripilant Technical Boy (interprété à merveille par Bruce Langley), tête à claque symbolisant l'omniprésence des réseaux sociaux et du Tous-connectés. Bref, casting impeccable, mise en scène soignée, scénario en béton, qu'attendez vous pour vous lancer ? AMERICAN GODS Série créée par Bryan Fuller et Michael Green 1 saison format classique (50 minutes), diffusée depuis le 30 avril 2017 en France par Amazon Prime (saison 2 en cours de diffusion sur les écrans français, on vous en recause bientôt).
0 Commentaires
Laisser un réponse. |
Archives
Mars 2020
Catégories
Tous
|