réalisé par Tim Burton, avec Mickael Keaton, Wynona Ryder, Geena Davis, Alec Baldwin USA 1988 1h32 VOST Beetlejuice! Son nom brille au firmament de nos souvenirs de sales mioches! Beetlejuice! Il épouvante les chaisières des comités de censure! Beetlejuice! Il crache dans la soupe, détourne l'argent des producteurs, insulte le public bien-pensant! Beetlejuice! Il tire les nattes de filles et vole l'argent de poche des garçons, et pourtant tout le monde l'adore! Approchez approchez et constatez par vous-même: il fut un temps où on allait pas voir le dernier Tim Burton en traînant des pieds, par ce qu'il faut bien que, parce qu'on ne sait jamais, peut-être que cette fois-là Johnny Depp nous épargnera son numéro de hip-hop déguisé en Chapelier Fou, peut-être qu'on a retrouvé la vraie scène finale de La planète des singes, celle qui avait un rapport avec le reste de l'histoire...Non! il fut un temps où on accourait ventre à terre découvrir le nouveau tour de magie du "Wonder Kid" d'Hollywood, du contrebandier infiltré au coeur même du système, du rouage roublard qui allait faire péter toute la machine (oubliant un peu vite, hélas, que les subversifs d'hier sont souvent les conformistes de demain). Et tout a commencé par une maison hantée. En 1988, Tim Burton est le réalisateur de quelques court-métrages réalisés chez Disney mais gardés sous le boisseau par des éxécutifs effrayés par leur noirceur poétique (rappelons qu'à la même époque le studio sortait Taram et le chaudron magique, histoire de bien situer le décalage), et d'un seul long-métrage, Pee Wee's Big Adventure. Le film est un succès au Etats-Unis, et pour la première fois Burton a le choix de son prochain sujet: ce sera Beetlejuice. Beetlejuice c'est le nom du "bio-exorciste" engagé par le petit couple fraîchement décédé que forment Barbara et Adam Maitland pour les débarasser des opportuns qui ont emménagé dans leur demeure, les très snobs et très encombrants Charles et Julia Deetz; Seule trouve grâce à leur yeux la jeune Lydia, qui non seulement communique avec les morts mais les préfère aux vivants! (Ca me rappelle quelque chose, se dit le cinéphile sourcilleux; quelle année déjà? Ha oui 1988, douze ans avant Les Autres, prend ça dans ta face Amenabar!). Le problème avec un artisan de la trempe de Beetlejuice,c'est qu'il est plus appliqué à piller votre frigo et reluquer sous les jupes des filles qu'à remplir sa tâche. Grossier, tire-au-flanc, sans-gène, il finit par excèder les Maitland au point que ceux-ci finissent par le renvoyer, non sans l'avoir contraint à honorer au moins partiellement son contrat. Or les manifestations ectoplasmiques auxquelles il s'est livré provoquent une réaction pour le moins inattendue: Les Deetz, enchantés par le spectacle, décident de transformer la maison en attraction foraine! Catastrophés, les Maitland se voient obligés de rappeler Beetlejuice... Voilà, en quelques lignes, résumée la quintessence de ce qui va former l'univers Burtonien pour les années à venir: une inversion systématique des valeurs de l'American Way of Life (les gens normaux sont monstrueux, seuls les monstres sont encore capable d'humanité), la solitude des marginaux élevée au rang de modèle moral (Lydia); un univers graphique inspiré de l'Âge d'Or du cinéma fantastique (des films Universal à ceux de la Hammer), du roman gothique anglais et de l'expressionnisme allemand. Ajoutez Danny Elfman aux manettes de l'orphéon et ne manque plus que Johnny Depp ( qui prendra le train en marche deux ans plus tard) pour que la troupe soit au complet. Mais si le film a autant marqué les mémoires, au delà des qualités propre à l'auteur qui mène son récit tambour battant, bombardant les spectateurs de trouvailles et de gags tout au long du spectacle, c'est à l'interprétation de Mickael Keaton qu'il le doit.Tour à tour outrancier, hystérique, exubérant, il cabotine comme un damné et trouve là sans conteste Le plus grand rôle de sa carrière...Ha, on me glisse à l'oreillette qu'il aurait tenu l'année suivante déguisé dans une combinaison en latex un petit rôle d'homme chauve-souris...Qu'est-ce que je disais, encore un qui n'a pas su gérer sa célébrité!
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réalisé par John Carpenter avec Adrienne Barbeau, Jamie Lee Curtis, Tom Atkins, Janet Leigh, Hal Holbrook, John Houseman (et Carpenter himself dans le rôle de Bennet) USA / 89mn /VO C'était pendant l'horreur d'une profonde nuit...la nuit d'un mois d'avril 1880; une nuit de brouillard, sur la côte Pacifique. Un feu de camp trompeur égara les marins, et l'Elisabeth Dane sombra, corps et biens; mais on chuchote parfois à Antonio Bay, quand une étrange brume monte de la mer et luit, que les noyés reviennent et cherchent, mauvais, la lueur qui fut cause de leur destin tragique. Telle est l'histoire que narre un vieux loup de mer goguenard à une audience de gosses rassemblés autour d'un autre feu de camp, sur une plage de cette même baie, à quelques pas de minuit, le 21 avril 1980. Cent ans plus tard, jour pour jour... Un crime commis par les pères qui retombe sur la tête des fils, le poids du Fatum, des fantômes vengeurs qui s'en prennent à une communauté oublieuse de sa faute originelle, une brume mystérieuse messagère du destin? Hum... Si Carpenter ne pratique probablement pas Racine et Euripide, en revanche il connait sur le bout des ongles ses classiques du roman gothique anglo-saxon, Hawthorne, Walpole, Poe (dont la citation "Is all what we see or seem but a dream within a dream?"ouvre le film), et surtout Lovecraft et Hodgson, deux écrivains majeurs du fantastique anglophone qui ont bâti leur oeuvre sur les horreurs cachées dans les tréfonds ténébreux des profondeurs océaniques. Or il se trouve que John Carpenter est au fantastique ce qu'Eastwood est au mélodrame: le dernier des classiques.Ca n'étonnera donc personne qu'aprés avoir obtenu un succés planétaire en inventant avec "Halloween" le genre du Slasher movie surnaturel (un genre qui existe encore aujourd'hui et remplit régulièrement les caisses des studios hollywoodiens, pour le meilleur et pour le pire), il retourne aux bases du récit fantastique: l'histoire de fantômes. Respectant scrupuleusement les codes propres à ce type d'histoires, Carpenter exerce sa maîtrise de l'espace (avec son chef op attitré Dean Cundey) de la même manière que celle qui lui a servi dans "Halloween" à débuter un film dans de larges allées pour le conclure dans un placard: utilisant le brouillard comme élément isolant, il enferme progressivement ses personnages dans des prisons de ténèbres, sculpte des paysages expressionnistes dans un village banal, et avec une étonnante économie de moyens, provoque l'angoisse en suggérant davantage quand ne montrant, à la manière d'un autre maître, Jacques Tourneur. Epaulé par un solide casting d'acteur de second plans à qui il donne leur chance tel Tom Atkins dans le rôle du pécheur, Hal Holbrook dans celui du père Malone, Adrienne Barbeau, qui joue l'animatrice de la radio locale située dans le phare de Spivey Point et qui semble toute droit sortie d'un film d'Howard Hawks (et on sait depuis Assaut l'admiration sans réserve que Carpenter porte à l'auteur de Rio Bravo), Jamie Lee Curtis qui vient de crever l'écran dans "Halloween" et qu'on retrouve dans le rôle d'une auto-stoppeuse qui n'a pas froid aux yeux, sans oublier Janet Leigh dans celui de la mairesse d'Antonio Bay (un choix rien moins qu'innocent quand on sait qu'Antonio Bay est en fait Bodega Bay, où Hitchcock a tourné "les oiseaux"), Carpenter compose un récit efficace et divertissant à défaut d'être original. Du propre aveu de l'auteur ce film est loin d'être son meilleur, mais sa programmation ici et maintenant à l'Absurde Séance est née d'un coup de sang, quand nous avons appris que son distributeur en France, Metropolitan, sortait son dernier film "The ward" directement en DVD. Qu'un des plus grand réalisateur vivant du cinéma fantastique américain ne puisse plus être diffusé dans les salles nous a tellement ulcéré que nous avons immédiatement décidé de rappeler, fut-ce dans ses oeuvres mineures, de quelle trempe il était. Big John rules! (Tôkyô zankoku keisatsu ) réalisé par Yoshihiro Nishimura avec Heihi Shiina, Keisuke Horibe, Itao Itsuji, Shun Sugata, Jiji Bû. 2008 / Japon / VO / 1h50 / vidéo Les japonais ne sont pas des gens comme nous. En Occident, quand on veut faire un film mais qu'on a pas d'argent, on va sagement filmer en huis-clos les déboires sentimentaux et professionnels d'un couple de trentenaires en crise, ou bien, si on préfère les films de genre, on se lancera dans la énième ressuçée du "Projet Blair Witch", compensant le minimalisme des effets par une mise en scène inventive apte à susciter l'angoisse, le suspens ou la surprise. A condition d'avoir du talent. Hélas, ce genre d'initiatives extrèmement rentable se traduit bien souvent par ce que les exégèses de ce type de production qualifient dans leur jargon de métier de "foutage de gueule". Vous avez vu "Paranormal activities"? Alors vous savez de quoi je parle. A mille lieux de cet esprit mesquin et cynique qui menaçait d'asphixier le cinéma fantastique mondial, surgît en 2008 le nouveau messie. Son nom : "Tokyo Gore Police". Son auteur: Yoshihiro Nishimura. N'ayant jamais mis les pieds dans une école de cinéma, passionné par l'oeuvre de Salvador Dali, la littérature fantastique nippone, les films de Cronenberg, Carpenter et Verhoeven, Nishimura se démène dix ans durant dans la filière des effets spéciaux, participant à nombre de productions impécunieuses comme "Meatball machine", "Suicide club", "Machine Girl", où la qualité de son travail et l'aspect hors-norme de ses idées volent plus d'une fois la vedette au film lui-même. Encouragé par ses succès, une petite boite de prod lui met enfin le pied à l'étrier, aux conditions habituelles: en contrepartie d'une liberté totale quant au contenu, on tourne en vidéo, en deux semaines (!), et avec l'équivalent du budget cantine du dernier Rohmer. Plantons rapidement le décor: Dans un Japon du futur, la police a été privatisée, et lutte contre une insidieuse invasions de mutants qui ont la particularité de pouvoir se greffer des armes à la place des membres. Agent d'élite de l'unité charger de les exterminer, Ruka (la magnifique Heihi Shiina d'"Audition") traque le chef de l'organisation tout en poursuivant un secret projet de vengeance contre l'assassin de son père. Voilà pour l'histoire. Le résultat: exactement l'inverse de ces films petits-bras susmentionnés: 1h50 de délire visuel non-stop, de créatures insensées, de corps fendus au sabre dans un geyser de sang, de mutilations multiples et variées, de couleurs pétantes, de fausses-pubs pro et anti-suicides (!!!)... Hermétique à toutes notions de limites, de bon goût, de ridicule, le film enchaine dans la bonne humeur les scènes d'actions toutes plus barrées les une que les autres ( un combat à la tronçonneuse attaché au bout d'une chaîne, la lutte à mort dans un bordel entre une femme crocodile et un mac véreux, une fille-chien dont les bras et les jambes ont été remplacés par des...sabres!). Ca parait fou? Croyez-moi, ça n'est rien par rapport à ce que je ne vous dis pas! Généreux en diable, débordant autant d'énergie que d'humour noir,monument érigé à la gloire du système D, "Tokyo Gore Police" est le manifeste cyber-punk d'une nouvelle génération de cinéastes à qui rien ne fait plus peur, ni le sexe, ni le sang, ni la mort, ni surtout la faculté d'en rire. A tous les apprentis réalisateurs qui bidouillez des films avec trois potes et un spot dans un coin du jardin, je dis: allez voir les films de Nishimura, répandez la bonne parole; faire un film d'horreur avec mille hectolitres d'hémoglobines, une demi douzaine de prothèses en latex, un parking en guise de commissariat et le salon de mes parents en guise de bar, c'est possible, je l'ai vu! DRACULA 3D de Dario argento, avec Rutger Hauer, Asia Argento, Thomas Kretschmann, Marta Gastini 2013/Italie/1H46/VOST Décidemment, les sorcières sont des créatures bien rancunières. Est-ce parce qu'Argento les a si cruellement dépeintes dans sa célèbres trilogie des Mères qu'elles lui ont jeté un sort? Fans inconditionnels de l'oeuvre du Maitre du Giallo, bouchez vous les oreilles, fermez les yeux et sortez vos mouchoirs (et envoyez-moi la photo quand vous aurez réussi à faire tout ça en même temps): le grand, l'immense Argento nous a encore pondu un nanar à vous scier les jambes et vous décrocher la machoire d'ébahissement! -"Mais quand même, soupire le fan éploré...Suspiria, Profondo Rosso, l'oiseau au plumage de cristal... -Oui, bien sûr, autant de chef-d'oeuvres qui resteront dans la mémoire des cinéphiles bien après que ce Dracula ait sombré dans l'enfer des cinémathèques.Gardez espoir, un jour nous lui rendrons justice. -Ben alors, à quoi bon tirer sur une ambulance? -Parce que L'Absurde Séance c'est aussi le refuge des mauvais films sympathiques, et celui-ci en est indiscutablement un. Loin de ricaner cyniquement devant la déconfiture d'un artiste en perdition, je vous invite plutôt à découvrir la tentative d'un homme qui a révolutionné en son temps le film d'horreur gothique de revenir aux sources du mythe: Dracula. Décidé à donner une nouvelle jeunesse à l'histoire originale pour, selon ses propres termes "lutter contre l'influence délétère de Twilight", Argento pioche allègrement son inspiration tant chez Bram Stoker que chez Murnau ou Herzog, mais par un maléfice inexplicable à l'arrivée ça ressemble davantage à du Jesus Franco ou à du Jean Rollin. Prenez par exemple la scène de la mante religieuse géante... -Argh! hurle le fan au bord de l'apoplexie. UNE MANTE RELIGIEUSE GEANTE? Mais quel rapport avec Dracula? Un seul cinéaste au monde aurait pu commettre une bouffonnerie pareille: Bruno Mattei! Et il est mort! - Aaattendez-voir, vous avez peut-être soulevé un lièvre...Qui diable a donc concocté cet europudding? Producteur exécutif: Giovanni Paolucci, le producteur attitré de l'Autre Maitre, celui du nanar transalpin de compétition, le terrible Mattei. Tout s'explique: ces effets spéciaux à la truelle numérique, cette musique bontempi à l'opposé des compositions géniales des Goblins, ce casting international postsynchronisé par des sourds, cette photographie label TeveCinque, l'alibi putassier de la 3D; les sorcières sont innocentes, et Dario Argento victime d'un complot de producteurs aigrefins-sorciers vaudous qui l'ont envouté! Nono, on t'a reconnu, sors de ce corps...et rends-nous Dario!" (Groundhog Day) réalisé par Harold Ramis, avec Bill Murray, Andie McDowell, Chris Elliot, Stephen Tobolowsky. USA/1993/1H42/VOST Phil Connors, "Roger Gicquel" de service sur une modeste chaine de télé régionale, part couvrir à contre-coeur la fantabuleusement niaise "Fête de la Marmotte"qui a lieu chaque 2 février dans la mégapole de Punxsutawney (Hab.6271). Accompagné de sa productrice Rita et de son caméraman, Phil parfait son imitation de Droopy sous Xanax (normal, c'est Bill Murray) tout en améliorant son recueil de vannes assassines contre les bouseux, leurs traditions idiotes, les médias qui leur font risette, les collègues incompétents, etc. Son unique but: en finir au plus vite et partir de ce trou paumé; mais le Destin a décidé de jouer à un petit jeu intitulé "comment faire tourner Bill Murray en bourrique", et voilà qu'un blizzard s'abat sur la ville. La mort dans l'âme, Phil accepte de repousser d'une journée son départ...Le lendemain matin, 2 Février, c'est le jour de la marmotte, youpi! Incrédule, Phil va alors revivre exactement la même journée. Encore...et encore...et encore... Tout le monde connait le pitch d'Un jour sans fin, même s'il ne l'a jamais vu (ce qui rend les deux paragraphes précédents parfaitement inutiles, merci de ne pas me le faire remarquer), et le combat tour à tour hilarant et tragique de Phil pour sortir par tous les moyens de ce cauchemar existentiel. Souvent considéré comme le meilleur film d'Harold Ramis, c'est surtout LE film qui a consacré Bill Murray dans son emploi de vieux bougon aphasique, mélange unique de Buster Keaton et Jean-Pierre Bacri. Succès modeste à sa sortie, cette comédie fantastique qui allie brillament les ressorts scénaristiques des boucles temporelles à une réflexion -discrète, mais réelle- sur le piège des existences routinières et de la nécéssité d'en briser le cercle vicieux pour vivre authentiquement, a acquis avec le temps un statut de film culte d'autant moins usurpé qu'il est révéré aussi bien par des cinéastes de la stature de Desplechin (je sais, ça ne se voit pas) que par les bouddhistes du monde entier! Qui dit mieux? |
Absurde SéanceToutes les chroniques écrites dans le cadre du festival entre 2011 et 2015 Catégories
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