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après la bataille: l'ornithologue

20/2/2017

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Sophie Louge, toujours à l'affût des films les plus exigeants, nous tire l'oreille pour avoir loupé la sortie en novembre dernier du dernier film de joao Pedro Rodriguez, cinéaste portugais, découvert en France et  justement encensé par la critique pour le traumatisant O fantasmas et le bouleversant mélodrame Mourir comme un homme, mais dont on avait un peu perdu la trace depuis 2009.
Erreur réparée de justesse puisque l'Ornithologue passe encore dans une salle parisienne (Le MK2 Beaubourg).

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mais qu'est-ce que le bon dieu lui a fait?

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ceci n'est pas un documentaire animalier

Dès le premier plan on est hypnotisé par le paysage, grandiose. Paul Hamy, d’une beauté solaire et animale, se fond littéralement dans les eaux du Douro, les mouvements du nageur se confondant avec le courant. Il est dans son élément, magistral comme les aigles et les cigognes qui le surplombent et semblent l’accompagner et tenter de l’entraîner vers une destination inconnue. Puis un visage émerge des eaux, avec un regard d’une pureté enfantine . Ouf, on n’est pas devant histoires naturelles une nuit d’insomnie. C’est un monde d’avant le pêché, d’avant la perte et la nostalgie qui est filmé comme pour rendre hommage à son créateur. Les femelles couvent leurs œufs, les mâles ramènent de quoi les protéger et les sustenter. Mais on pressent qu’on n’en restera pas là. Il y a dans l’observation du scientifique une tension démesurée par rapport à son objet qui fait craindre ce qui va éclore de ces œufs de cigognes noires. Malgré son équipement Décathlon et son kayac, on sent tout de suite que ce film sera aux antipodes de Comme un avion (de Bruno Podalydes) même si on pressent que cet homme malade que ses proches harcèlent de messages inquiets fuit quelque chose. Tout d’abord parce que Fernando est véritablement parti et ensuite parce qu’il va aller bien plus loin qu’il ne l’aurait imaginé. Après avoir longtemps observé les cigognes couver leurs œufs, il assiste à leur premier envol. Cette seconde naissance, filmée comme une métamorphose et un avènement, le fascine tellement qu’il est emporté par les rapides, victime de sa ferveur. Le ravi de la crèche est bien marri.


Ceci n’est pas un survival

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A partir de là le film bascule: canoë brisé, matériel perdu, innocence envolée, Fernando échoue sans connaissance sur une crique. Mais ce n’est pas une robinsonnade moderne qui nous sera proposée, ni vraiment une confrontation cauchemardesque avec une nature hostile façon Délivrance. L’Ornithologue flirte avec le film de genre sans rentrer dans aucun cadre. Ni récit homérique faisant l’apologie de la capacité de l’homme à maîtriser la nature et son propre destin, ni scenario catastrophe aux parfums apocalyptiques démontrant que l’individu est le jouet des éléments et de la fatalité. L’essentiel est ailleurs, au delà de la narration. C’est dans le symbole, la métaphore et la parabole qu’il trouve tout son sens. Si Rodrigues n’est pas croyant il ne dénigre pas pour autant les formes du récit religieux.


ceci n'est pas un film religieux, mais indéniablement un film sur la religion

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Naufragé comme Saint Antoine de Padoue, Fernando va suivre, tel un chemin de croix, toutes les grandes étapes de la vie du saint le plus populaire du Portugal. Il va, sans trop y penser, s’éloigner des vanités terrestres (jeter son portable, son Dictaphone, ses papiers d’identités, ses antidépresseurs…), faire vœu de pauvreté, tenir un Christ dans ses bras, parler aux colombes et devenir quelqu’un d’autre, capable de renaître de ses blessures et de tous ses péchés.
Le réalisateur ne fait pourtant pas dans la bondieuserie, loin s’en faut. Il suffit d’observer avec quelle sensualité provocante il filme le corps de son héros, lequel est séquestré par des chinoises aussi bigotes que vicieuses. L’une est affublée d’une prothèse qui apparait immédiatement aussi aphrodisiaque que chez une héroïne de Crash et qui va l’immoler façon BDSM. Puis il sodomise un berger sourd-muet qui trait ses chèvres comme on ferait une fellation, avant de le tuer d’un coup de couteau pour le plaisir de plonger avidement ses doigts dans les orifices de ses blessures.Tout à la fois malsain, joyeusement sacrilège et iconoclaste, le film transforme le chemin de croix de Saint Antoine en initiation sexuelle et métaphysique.
Car lorsque la survie est en jeu, le bien et le mal n’ont plus cours: le barbare n’est pas plus inhumain que le civilisé, les croyances païennes pas plus ridicules que les cultes chrétiens. Le réalisateur s’émerveille de tout et n’est en paix avec rien.


Une Passion moderne

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En parvenant à tisser tous ces fils sans jamais les emmêler Juan Pedro Rodrigues a réussi un pari risqué. A la manière de Christophe Honoré dans Les Métamorphoses ou de Miguel Gomes dans Les Mille et une nuits il utilise la fable comme un canevas narratif qui sert de grille de lecture à notre monde contemporain autant qu’à sa propre vie. Un chemin de croix païen où il faut accepter de se désaxer et de souffrir pour trouver sa voie. La force du film est de proposer une métamorphose au cube: Fernando devient peu à peu Saint Antoine, Rodrigues devient peu à peu Fernando (il lui prête sa voix et parfois son visage jusqu’à la transubstantiation finale) et nous devenons également cet homme qui cherche à se (re)trouver autant qu’à se perdre. Il a péché, beaucoup péché, il à été le chasseur (d’hommes et d’oiseaux) puis la proie (d’amazones dépoitraillées ou de frères vengeurs) avant de trouver le pardon et l’amour dans les bras de celui qui a failli le sacrifier et dont il a tué le jumeau.



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Il s’agit bien d’un cheminement, aussi obscur soit-il. Car si les voix du seigneur sont impénétrables, celles de Rodrigues le sont plus encore. Si on veut entrer pleinement dans le film il faut abandonner toute rationalité, renoncer au principe de non contradiction, se laisser aller à la féérie des images, à l’improbable et au fantastique destin qui se joue devant nous. Rodrigues est très exigent vis à vis de son spectateur: pas question de nous rassurer en nous livrant un récit prêt à l’interprétation permettant une identification facile et confortable. Il faut s’immerger, au risque de s’y noyer un peu, dans sa culture et sa vie. Les nôtres n’ont pas droit de cite dans le film et n’y seront d’aucune utilité. C’est, davantage que pour des raisons morales, ce qui fait de L’Ornithologue un film dérangeant: c’est une Terra Incognita qui met mal à l’aise et nous plonge dans une étrange zone d’inconfort, d’incompréhension et d’incertitude, aussi cinéphile soit-on. Certains critiques lui reprochent “de ne pas être ouvert sur le spectateur”, et pour cause: c’est nous qui devons nous ouvrir à lui. Or comme toujours, la confrontation brusque à ce qui nous est étranger dérange. Et faire un film dérangeant, aujourd’hui, c’est aussi méritoire que rare. “Tu aimeras ton prochain comme toi même “ est sans doute le seul credo catholique auquel Rodrigues, mécréant notoire, pourrait souscrire.


L'ORNITHOLOGUE (o ornitôlogo)
écrit et réalisé par Joao Pedro Rodrigues, avec avec Paul Hamy, Xelo Cagiaio, Chan Suan, Han Wuen...
Portugal/2016/ 117mn


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