Pour son 70ème anniversaire, le festival de Cannes a remis en lumière, à travers sa sélection “classics”, les films qui ont fait son histoire et défrayé la chronique en leur temps. Paparazzi, sorte de making-off ironique et décalé réalisé par Rozier sur le tournage du Mépris, y figurait aux côtés de monuments tels que L’Atalante, Blow up ou La Nuit du chasseur. Belle manière de rendre hommage à cet enfant terrible de la nouvelle vague, cinéaste hors normes et sans concession, injustement ostracisé par les producteurs et relativement boudé par le grand public.
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la révélation A mon époque (mais est-ce encore le cas?), il était de mise pour les élèves des lycées prestigieux du quartier latin d’ afficher un mépris hautain pour ce que nous qualifiions alors de “cinéma commercial”. Il était parfaitement impensable de fréquenter quelqu’un qui avait déjà mis les pieds dans un UGC, aimé "Le Grand Bleu" ou été voir "La vérité si je mens". Nous hantions les petites salles d’art et essai, de rétrospective en rétrospective, avides de voir “tout ce qu’il fallait avoir vu”. Il nous aurait semblé sacrilège de penser que le cinéma put être un divertissement et nous mettions dans notre cinéphilie naissante une application et un sérieux sans doute bien trop scolaires. Il y avait pourtant des instants de grâce, où l’érudition laissait enfin place à l’émotion et au plaisir. Je les découvris pour ma part dans les films de Godard, d’Eustache et de Truffaut. Je comprendrai bien plus tard que ce furent ces films plutôt que d’autres qui me révélèrent que le cinéma allait m’aider à vivre parce qu’on y retrouvait Jean-Pierre Léaud. Pour Truffaut aussi la rencontre de Jean-Pierre Léaud fut une révélation. En regardant les essais qu’il lui fit passer avant de tourner les 400 coups on comprend pourquoi. Il y a dans l’énergie qu’il déploie, comme si sa vie dépendait de ce rôle, à la fois un aplomb déconcertant et une troublante fragilité. Pour le jeune Léaud, devenir Doinel est une urgence, une absolue nécessité. Pour Truffaut c’est une évidence: plus téméraire et plus révolté qu’il ne le fut bien qu’il eusse aimé l’être, il incarne la transfiguration de la vie par le cinéma. Truffaut, Léaud et Doinel vont alors former une trinité magique et maléfique à la fois, cinq films durant. Où les rencontrer? De La Maman comme des autres œuvres d’Eustache, il n’existe ni DVD ni copie légale et les diffusions à la télévision ou au cinéma sont extrêmement rares*. Paradoxal pour un film que les plus grands réalisateurs actuels (Assayas ou Desplechin pour ne citer qu’eux) considèrent comme l’origine de leur passion pour le cinéma et la matrice de leur propre travail. Ce n’est pourtant que le produit de la volonté d’Eustache lui-même: “puisque le cinéma est devenu une industrie [au sein de laquelle, il faut bien le dire, il n’a jamais été un brillant chef d’entreprise], je vais jouer le jeu de l’offre et de la demande: Il sera difficile de voir mes films donc on dira que ce sont de bons films”.
« Les serviteurs étaient muets. Les jeux étaient silencieux, naturellement. C’était un lieu de repos, on n’y traitait aucune affaire, on n’y tramait aucun complot, on n’y parlait jamais de quoi que ce fût qui pût éveiller les passions. » Psychopathologie du complot. |
Auteur
Sophie Louge est enseignante en Lettres, spécialiste du Nouveau Roman, et collabore à plusieurs revues et livres consacrés au cinéma Archives
Juillet 2017
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