par Innana Ivert Un "western" bavard et pénible, un film de SF traitant d'un sujet grave, et une comédie feel-good. 1650 en Angleterre, Olivier Cromwell vient de prendre le pouvoir en décapitant le roi pour instaurer une république puritaine après une guerre civile sanglante. Fanny vit sous la coupe de son mari John, homme très pieux ("son premier amour est la bible") qui entend faire respecter sa conception de la religion de manière particulièrement stricte et oppressive. Son quotidien est bouleversé quand débarque dans la ferme un couple de fugitifs qui ont une idée bien différente de ce que peut-être la religion et la vie; on comprend vite qu'ils appartiennent à la secte mystique des Ranters, un mouvement contestataire apparu à la même époque en réaction à la chape de plomb puritaine qui s'abattait sur le pays, et, sans surprise, aussi mal vu des autorités que des différentes obédiences protestantes. John est dépeint comme un homme violent, se plaisant à corriger sa femme et son fils pour ce qui semble être des broutilles, rabaissant la femme à une simple possession de son mari. On comprend donc facilement comment les "hérétiques" qui débarquent dans la vie de Fanny puissent chambouler sa foi. Ce que l'on saisit en revanche beaucoup moins, c'est cette scène de délivrance finale qui semble sortir de nulle part. On ne sent aucune transformation dans le personnage qui pourrait amener à ce déchaînement de violence et cette rébellion tombe vraiment comme un cheveu sur la soupe. Le dossier de presse insiste sur le soin apporté à la construction de la ferme (avec des matériaux d'époque), aux costumes (teints et cousus main), à la musique (seulement composée avec des instruments du XVIIème), mais peut-être auraient-ils aussi du faire appel à un bon scénariste, ou au moins à un bon dialoguiste. Car le film est inutilement long (étant donne le peu d'évolution de la mentalité des personnages) mais matraque son propos à coup de monologues pompeux (et de musique tout aussi peu subtile ; je doute que les POUETS type Hanz Zimmer soient à leur place dans un film se vantant d'avoir respecté l'Histoire...) C'est sensé être un western, avec des inspirations à la Sergio Leone (et ses plans visuels très large ou de très gros plans), mais ça tombe complètement à plat par l'absence de maîtrise du réalisateur sur le timing. Les scènes s'étirent sans jamais créer une once de tension dramatique. On a l'impression de regarder le film avec d'un côté le scénariste, de l'autre le compositeur qui nous hurle à l'oreille leurs intentions, avec la subtilité de Thierry Roland et Jean-Michel Larqué commentant un France-Sénégal... de Sandra Wollner Autriche/Allemagne - 2020 Elli est une androïde de 10 ans qui passe l'été avec son "papa". Programmée avec les souvenirs d'une enfant disparue, elle se contente de servir son propriétaire. Lorsque elle en change et qu'elle est reprogrammée, elle perd peu à peu pied avec ce qui lui semblait être la réalité. Le thème de l'enfant androïde créé pour assouvir les désirs de ses propriétaires a déjà été traité dans Intelligence Artificielle de Spielberg (ou Real Humans, entre autre, qui explorait déjà avec brio le même sillon), mais le film que nous livre ici Sandra Wollner est beaucoup plus ambitieux sur le fond comme sur la forme. La scène d'introduction est un long mouvement de camera subjective avec la voix off d'Elli qui nous explique comme l'été est agréable avec son papa, le spectateur pense donc que c'est à travers ses yeux que nous découvrons la nature qui entoure la maison, juste avant d'apercevoir Elli au bord de la piscine. En moins de deux minutes, la réalisatrice nous positionne dans le rôle de voyeurs, instaurant de suite un malaise qui ne cessera de grandir. Les acteurs arrivent à faire passer par des regards et de minuscules détails, la véritable nature de leur relation. Certes, le film a lancé une polémique lors de sa projection à Berlin (et a été déprogrammé de Melbourne) mais c'est à tort, on lui prête des intentions complètement biaisées. On parle d'inceste, mais ça n'est absolument pas le propos du film, qui traite davantage de notre rapport à un objet à forme enfantine, ainsi que les sentiments et les rêves que pourraient développer ces robots humains. La réalisatrice explique dans une interview que le film, avec ses ellipses, est monté du point de vue de l'androïde et de la façon dont il pourrait envisager la réalité. Et si nous sommes ici dans un monde futuriste, il s'agit d'un monde réaliste et probable dans l'évolution de notre société (on en est déjà proche, pensez par exemple au incels qui épousent leurs poupées sexuelles). Cette interrogation métaphysique de la découverte de la société par une être non humain n'est pas sans rappeler Under the Skin, que la réalisatrice présente comme la grande sœur de Trouble. C'est très beau et réussi, et tout aussi triste que la solitude des propriétaires d'Elli. Theresa, Robert et leur fille "Old Dolio" baptisée du nom d'un clochard dont ils espéraient capté l'héritage forment un trio d'arnaqueurs à la petite semaine depuis de nombreuses années. Ils vivent dans des locaux insalubres, volant du courrier espérant y trouver du liquide et bidouillant au jour le jour pour (sur)vivre. Lorsque les parents mettent Mélanie, jeune et jolie jeune fille rencontrée fortuitement lors d'un vol chaotique durant duquel le père saisi son potentiel de séduction et donc d'appât et la met au parfum de leur dernière combine, Old Dolio se sent délaissée et s'interroge sur cette relation parentale un peu toxique. Sur le registre de la comédie burlesque à la Buster Keaton, Miranda July nous dépeint ce couple de marginaux assez antipathiques dans leur manière de traiter leur fille, non pas comme des parents, en prenant soin d'elle et en l’éduquant, mais comme un objet secondaire nécessaire à leur moyen de subsistance. Evan Rachel Wood incarne parfaitement cette jeune femme timide et effacée, qui se cache derrière son rideau de cheveux et des habits informes, sans autre ambition de servir le dessein de ses parents. Une bonne dose d'humour absurde (le logement duquel il faut évacuer la mousse à 17h précise tous les jours, cf bande annonce) et des dialogues intelligents permettent de désamorcer le coté dramatique de cette histoire (une jeune fille qui n'a jamais reçu d'affection de ses parents se questionne sur le sens de sa vie).
Le film est enlevé et le spectateur ressort avec un sourire de ce joli petit conte de Raiponce recouvrant sa liberté.
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