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madre, une recherche haletante & malaisante du temps perdu

16/8/2020

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Le dernier opus de Rodrigo Sorogoyen, un thriller intime, sulfureux et acéré, mêle drame et romance pour donner à voir le cheminement d’une femme de quarante ans tentant d’exorciser l’horreur de la perte (la disparition de son fils dix ans plus tôt) en s’affranchissant de la raison et de la bienséance.
Par Sophie Louge.
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Madre
est un film déroutant à bien des égards, si bien qu’il est difficile de porter immédiatement un jugement sur lui. En refusant la dictature de l’instantanéité et de la transparence, il nous impose de lui laisser le temps de faire son chemin en nous et de se retirer peu à peu, en creusant , telle la marée, des ravines de sensations et de significations.
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hybride et exigeant

Dès le premier plan séquence, la caméra de Rodrigo Sorogoyen donne le ton: on n’est pas là pour se divertir ou passer un bon moment. Il va s’agir de remettre en cause notre vision de nous-même, de la société et du cinéma. On le comprend très rapidement, dès qu’on quitte le premier plan-séquence sans savoir grand-chose de la disparition du fils d’Elena, puis en la retrouvant dix ans plus tard dans une ambiance bord de mer très loin du thriller initial, sans avoir rien appris sur ce qui s’est passé dans l’intervalle.
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Cette plus tout-à -fait jeune femme fait des allers-retours sur la plage, sert des cafés ou déjeune sur le pouce. Il ne se passe en fait pas grand-chose mais le malaise et l’incertitude s’installent, tandis qu’un danger vague semble se dessiner à l’horizon.
C’est là la vraie bonne idée de Sorogoyen: jouer avec nos attentes et nos interrogations jusqu’à ce que nous nous retrouvions aussi perdus qu’Elena, dans un espace en apparence grandiose qui va prendre peu à peu l’aspect d’une prison. Car cette plage est une ouverture mais aussi une limite et ce café dégage davantage une atmosphère oppressante à la Hopper qu’une chaleureuse convivialité.
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​Le film demeure le plus souvent dans l’implicite, évitant toute lourdeur, tout aspect démonstratif. Il laisse une très grande latitude au spectateur en ne cherchant jamais la performance mais plutôt l’émotion. Le réalisateur contourne ainsi tous les écueils, d’autant plus qu’il refuse de s’attarder sur le mystère de l’identité du jeune Jean ou sur la romance qu’il tente de vivre avec Elena. L’anecdote est hors de propos, ce n’est qu’une fausse piste. L’essentiel est ailleurs, dans l’exploration des dérapages de l’âme humaine, dans la recherche des chemins qui mènent au pardon et à la résilience, à l’acceptation de la réalité et des normes sociales.


glissements déceptifs du plaisir


​Madre
excelle dans la mise en scène d’espoirs toujours avortés et de promesses jamais tenues. Tout comme le spectateur, les personnages n’obtiennent jamais ce qu’ils attendent car tout se confond, se superpose et s’annule en permanence. Sorogoyan glisse d’un extrême à l’autre, les mêlant jusqu’à ce qu’ils se détruisent: l’amour maternel et sensuel, l’espoir et la douleur, la communion et l’incommunicabilité, le passé et le futur, la révolte et la résignation, la sagesse et l’inconscience ne se côtoient sans que jamais une émotion ne l’emporte au détriment de l’autre. A la fin du combat il ne reste plus qu’une vaste étendue de vide… ou de sable.


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de la douleur comme raison de vivre


​Pour endormir sa douleur, Elena a appris à vivre dans une sorte de no man’s land à la fois affectif, professionnel et géographique. Elle a soigné une peine sans limites par un vide sans fond. Cette existence sur le fil a fait ses preuves: voici dix ans qu’elle promène à heures fixes sa silhouette éthérée le long du rivage, sans réelle tristesse mais sans joie non plus. C’est Jules qui vient bouleverser cet équilibre précaire, ce calme fragile: dès qu’il apparait à l’écran la caméra s’affole, les plans se rétrécissent. La vie reprend ses droits mais Elena n’est pas prête pour la vie. Non pas que sa douleur soit encore trop forte. Le drame de l’héroïne est d’être devenue sa propre douleur, d’en avoir fait son identité et sa raison d’être en venant s’installer sur cette plage étrangère, au milieu de nulle part, là où son fils avait disparu.
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de phèdre à antigone


La douleur d’Elena l’a installée en dehors de la réalité, à l’écart de la vie et par là même en dehors des règles et des normes morales et sociales. Elle a perdu le sens des convenances, la notion du bien et du mal. Les autres vont le lui faire comprendre en la rejetant et en l’accusant, renforçant encore un peu plus son isolement. Car ni les parents de Jean, ni ses amis, ni son nouveau compagnon ne peuvent cautionner le chemin qu’elle a choisi pour la mener, du moins l’espère-t-elle confusément, vers la résilience et l’abandon d’illusions délétères.
Elena est incontestablement la descendante des grandes héroïnes tragiques. Il n’y a que des mauvaises solutions qui se présentent à elle: partir ou rester, risquer sa vie vie en flirtant avec le danger ou ne pas vivre du tout, aimer pour de mauvaises raisons ou vivre sans amour.
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C’est sans doute la réflexion la plus intéressante que propose le film: Peut-on réellement choisir, faire les bons choix? Sait on vraiment pourquoi on aime et ce que l’on projette exactement dans un visage et dans un corps? Faut-il respecter les règles du groupe, sont-elles justifiées? Sont-elles là pour nous protéger?

Madre devient alors une tragédie de l’impuissance. Car que peut-on contre le désir des autres? Visiblement pas grand chose quand on voit que tout l’amour d’Elena ne peut rien ni contre le désir du ravisseur, ni contre les règles que les parents de Jean veulent lui imposer, ni contre la jalousie de son ancienne petite amie. Rien de tout cela n’est dit, ce n’est pas nécessaire. Le grand angle, les gros plans en courte focale, tels le poids du destin, suffisent à écraser les personnages malgré leur versatilité ou leur agressivité. On est dans un autre monde, à la lisière du fantastique, où la confusion du décor, entre mer et nuages, entre immensité et enfermement, empêche les personnages d’y voir clair et les manipule malgré eux.
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​La complexité et les paradoxes ne sont donc pas ici des défauts ou des faiblesses. Ils font la puissance du film de la même manière que les contradictions et les incertitudes font la force d’Elena. Si l’on accepte l’inconfort de ce qui est dit et le flou de ce qui est montré on franchira avec Elena les portes d’un autre monde où tout est sans cesse à remettre en question, où rien n’est fixé et où on a encore le pouvoir quasi démiurgique de tout changer. Et cela, quel individu ou quel spectateur n’en a pas rêvé?


MADRE
de Rodriguo Sorogoyen, avec Marta Nieto, Jules Poirier, Alex Brendemühl
Espagne / 2020 / 2h09
Sortie française: 22 Juillet 2020
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