![]() réalisé par Julien Maury et Alexandre Bustillo, avec Anne Marivin,Théo Fernandez, Francis Renaud, Zacharie Chasseuriaud, Fabien Jégoudez, Béatrice Dalle. France/2014/1H28 Qui a dit que le cinéma d'horreur français était un oxymore? A peine remis du choc prophylactique que constituait la découverte de "Goal of the Dead" le mois dernier, on inocule aux cobayes volontaires que vous êtes, chers spectateurs masochistes de l'Absurde Séance, la piqûre de rappel qui vous guérira définitivement de toutes préventions à l'égard du cinéma gore "made in France". Non, l'amateur de cinéma de genre cocardier n'est pas condamné à supporter l'avanie des comédies lourdingues et des polars mous du bide. Depuis une petite dizaine d'années, il peut compter sur une nouvelle génération d'auteurs-réalisateurs ayant forgé leur cinéphilie dans les rayons obscurs de vidéoclubs interlopes (on appelle ça le cursus Tarantino), bien décidé à ruer dans les brancards d'une production franchouillarde tétanisée à la simple évocation du mot "fantastique" parce "tu vois coco, ce genre de truc ici ça ne marche pas. Ponds-nous plutôt un truc pour Kad Merad...". Et parmi ces Jeunes Turcs, comme on dit dans les milieux littéraires, le tandem Maury & Bustillo est sans conteste le plus prometteur. S'ils n'en sont pas à leur coups d'essai (on se souvient du traumatisant huis-clos "A l'intérieur", déjà avec Béatrice Dalle, et de l'étrange "Livide", avec Marie-Claude Pietragala!), "Aux Yeux des Vivants" s'affirme comme un tournant dans leur jeune carrière. Autant les deux précédents s'inscrivaient dans une France contemporaine comme pour dire: vous voyez, ça marche quand même!, autant ce dernier opus s'en éloigne géographiquement et temporellement. Jugez plutôt: Dan, Tom et Victor, trois ados de 14 ans décident de sécher le dernier jour de classe et filent faire les quatre-cents coups dans la campagne; au détour d'un chemin ils tombent sur les ruines d'un studio de cinéma abandonné: Blackwood. Terrain de jeu idéal pour l'été qui s'annonce, ils l'explorent puis rentre chez eux sans voir qu'ils ont été épiés par les hommes (mais son-ce bien des hommes?) qui hantent ce lieu: un père et son fils, Isaac et Klarence Faucheur, déterminés à préserver leurs secrets et le territoire qui les renferment. Ils se mettent en chasse et les traquent jusque chez eux. Une nuit de violence et de sang s'annonce... Ca ne vous rappelle rien? On pourrait être chez Stephen King ou Tobe Hooper, non? Dépouillé de tous repères spatio-temporels pendant toute la première partie, le film pourrait aussi bien se passer dans le MidWest des années 80 qu'ici et maintenant, et c'est exactement l'effet recherché. Déclaration d'amour (vache) à tout un pan méprisé de la cinéphilie, Maury & Bustillo convoquent les mannes de "Stand by me", "Vendredi 13", "Massacre dans le train fantôme", "Les goonies", "Halloween", les jettent dans leur chaudron de sorcières et voilà: "Aux yeux des vivants", un film-monstre, mélange insane de chronique de l'enfance, de slasher movie incarné par un boogeyman aussi impavide que terrifiant, de huis-clos paranoïaque, tout ça arrosé d'une bonne dose de gore et pourtant, vous savez quoi? Si on veut bien jeter aux orties un scénario qui accumule les invraisemblances plus on se rapproche du dénouement et une poignée d'acteurs en roue libre dans des rôles secondaires qui font un peu tâche face au trio de gamins (tous excellents, et parmi lesquels on retrouve Zacharie Chasseuriaud, vu cette année dans "Au nom du fils"), et bien le plus dingue, c'est que ça marche. Ca gueule, ça défouraille, ça fout les jetons, ça gicle de partout, ça se plante, ça se relève,ça part dans tous les sens, mais ça marche! Alors soutenez la juste cause du cinéma Bis français, consommez local, pour que plus jamais un producteur ne puisse dire à un futur Carpenter hexagonal: "oui c'est pas mal mais en ce moment ce qui cartonne c'est Christian Clavier..." ah ça non, plus jamais!
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Absurde SéanceToutes les chroniques écrites dans le cadre du festival entre 2011 et 2015 Catégories
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