Ecrit et réalisé par David Cronenberg. Canada 1983 89 mn VOSTF Avec James Woods, Debbie Harry, Jack Kreley, Peter Dvorsky, Sonja Smits « J'ai essayé de faire un film aussi complexe que ma manière d'envisager la réalité. Je crois qu'il est très ambigu, qu'il se nourrit de plusieurs sources d'énergie et qu'il est très compliqué. Je souhaitais qu'il en soit ainsi parce que pour moi c'est la vérité . » David Cronenberg, cinéaste. « Le médium est le message » Marshall McLuhan, théoricien des médias. « Quelqu'un a une aspirine...et de la coke ? » Moi, devant l'énormité de la tâche qui m'attend. Tenter de résumer Vidéodrome en moins d'une page, c'est comme vouloir expliquer Twin Peaks en moins d'une migraine ou le principe de décohérence quantique en moins d'une nervous breakdown : c'est héroïque mais voué à l'échec. Pourtant, à première vue il ne paye pas de mine avec ses airs de thriller vaguement BDSM, à en juger par son argument : Max Renn est un programmateur cynique et blasé officiant sur la crapoteuse chaîne de télé Civic TV, spécialisée dans le sexe et la violence. Toujours à la recherche de contenus plus extrêmes, un de ses employés chargé de pirater les satellites étrangers lui apporte la cassette VHS d'un mystérieux programme venu de Malaisie, Vidéodrome. « C'est juste des tortures et des meurtres. Pas de scénario. Pas de personnages. C'est l'avenir. » voilà comment Max en parle à sa nouvelle copine Nicki Brand, une animatrice de Talk Show qu'il a rencontré sur son plateau quelques jours avant lors d'un débat qui l'opposait au gourou des médias le professeur O'Blivion. D'abord intrigué puis littéralement obsédé par l'émission, Max n'a de cesse d'en obtenir les droits ; c'est quand il découvre qu'elle est en réalité produite à Pittsburg que Nicki, tout aussi fascinée que Max, part mener l’enquête sur place...et disparaît. Resté seul face à son poste de télévision perpétuellement allumé sur Videodrome, Max commence à être victime d'hallucinations. Des hallucinations très très réalistes... Sans aller plus loin dans le dévoilement de l'intrigue on peut d'ors et déjà noter qu'on est assez loin de la Mélodie du bonheur niveau fraîcheur et naïveté, mais ça n'en fait pas pour autant un film dont la richesse du sous-texte et la foultitude des niveaux de lectures le rendrait impossible à résumer. Non, si vous avez lu cet article depuis le début (dans le cas contraire vous n'y comprendrez rien mais vous serez dans l'état d'esprit idéal pour apprécier ce film), vous savez déjà que le poids qui fait pencher la balance tient à la personnalité de son auteur, David « je vais hanter tes cauchemars jusqu'à la fin de tes jours de cinéphage »Cronenberg. En effet si un film sorti en 1983 peut encore trente ans après susciter exégèses savantes et débats passionnés, c'est d'abord parce qu'il a constitué une évolution fondamentale dans la carrière du cinéaste. Tourné entre Scanners et Dead Zone, Videodrome fixe la direction dans laquelle va s'engager le reste de son œuvre : l'étude clinique de ce désir tentateur, libérateur et mortifère de vouloir dépasser notre condition humaine, par tous les moyens et à tous les prix (fusion de l'homme et de la machine, mutations, transgressions), thème que l'on retrouvera dans Crash, La mouche, Existenz, Dead ringers, etc. Ensuite c'est parce que ce film nous parle de notre époque avec une acuité d'autant plus troublante qu'elle a dû passer inaperçue lors de sa sortie. Le contrôle des masses par les médias, le transhumanisme, l'altération de la réalité, les sectes millénaristes, l'écran devenu l'interface privilégiée avec le reste du monde, la généralisation de la violence filmée, diffusée et regardée dans un voyeurisme mondialisé, le fascisme rampant...Faites votre choix, tout est déjà là, dans ce film prophétique aux profondeurs insoupçonnées déguisé en modeste série B. Et si les cogitations philosophiques du docteur Cronenberg vous laissent de marbre, je suis sûr que les appels lascifs de Nicki (jouée par Debby Harry, la chanteuse de Blondie!) susurrés depuis son écran de télé saura vous guider tel une sirène vers votre cinéma préféré !
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(Blutgletscher) écrit et réalisé par Marvin Kren, avec Gerhardt Liebmann, Brigitte Kren, Edita Malovcic, Felix Röhmer, hille Beseller. Autriche/2013/1h33/VOST Ayé c'est février, le mois de l'environnement et du festival international à icelui dédié. Et qui dit film d'environnement dit...attaque de bouquetins-ours mutants? Ha bon, d'accord, après tout l'année dernière c'était des sushis volants carnivores, par comparaison ça parait presque raisonnable. Le mot-clé étant "presque". Mais comment une telle chose a t-elle pu arriver, vous demandez-vous ? Et bien les protagonistes, dans une touchante empathie avec les spectateurs, se posent la même question (c'est à cette communion intime entre héros et spectateurs qu'on reconnait la marque des génies). Quand Janeck, le technicien d'une station scientifique perdue aux confins des Alpes autrichiennes découvre au cours d'une expédition la présence d'un liquide rouge de nature inconnue sourdant d'un glacier en péril (la montagne saigne, vous saisissez? Subtil), il s'oppose lorsqu'il veut en faire état à un fin de non-recevoir de la part de ses collègues. La ministre de l'environnement Bodicek doit débarquer incessamment pour une opération de com', et pas question de faire de vague. Janeck, déjà miné par une séparation douloureuse, s'abîme dans l'alcool tandis qu'au dehors le mystérieux liquide propage ses miasmes mutagènes sur une faune mal informée des dangers inhérants aux films d'horreur "environnementaly friendly", et provoque sa conclusion imparable: l'attaque des renards-scarabées et des bouquetins-ours sur une humanité coupable tout les maux! Heureusement pour cette équipe de branquignols, la ministre va s'avérer une dure à cuire qui n'hésitera pas à dessouder du mutant à coup de perforeuse... Comment ça c'est n'importe quoi? Pardon, mais dans la tête de Marvin Kren, auteur d'un film de zombie décalqué sur "28 jours plus tard" et de nombreux court-métrages du même tonneau, c'est tout à fait logique! Produit pour une poignée d'euros avec la foi du charbonnier, Kren réalise sa version "Sachertochter" du "The thing" de Carpenter (mais vous l'aviez tous reconnu) en refusant toute compromission moderniste: pas de monstre crée à la truelle numérique comme dans tant de productions impécunieuses, mais de la bonne vieille marionnette en latex et animatronique qui apporte un effet de réel à un récit qui en est par ailleurs totalement dépourvu! On pourra juste regretter que Marvin n'ai pas eu suffisamment confiance dans ses créatures et et qu'il ait eu recours au combo "tremblante du mouton en gros plan", une maladie chronique des cadreurs de films fauchés (mais aussi des blockbusters, vous avez vu "Man of steel"?) Tout aussi débiné pour sa fin idiote qu'encensé pour sa volonté de faire un film à l'ancienne, "The Station", toujours inédit en salle, a fait son trou dans les festivals et son chemin jusqu'à nous. Et si vous vous grattez le menton en vous demandant si vous allez tenter le coup, je suis là pour vous taper sur l'épaule et vous rappeler que c'est le FIFFE qui paye, et que la séance est gratuite. Alors qu'est-ce que vous avez à perdre? 1h30 de votre vie? Ben oui, mais vous ne le regretterez pas! Écrit et réalisé par Brian DE PALMA USA 1974 1h32 VOSTF avec Paul Williams, William Finley, Jessica Harper, Gerrit Graham... Musique de Paul Williams Avec l'inévitable – et bien inférieur – Rocky Horror Picture Show, réalisé deux ans plus tard, Phantom of the paradise est le rejeton le plus fameux, et probablement le plus réussi, de l'union sulfureuse entre le rock et le fantastique. Le film qui nous a fait découvrir Brian De Palma – Soeurs de sang, tourné avant, est sorti en France après – reste l'un des films de chevet de notre cinéphilie baroque alors naissante... Le génial quoique méconnu compositeur Winslow Leach vient proposer aux Disques « Death » (tout un programme, il aurait dû se méfier!) sa cantate inspirée de Faust. Elle pourrait être jouée pour l'inauguration du « Paradise », le club de rock'n roll définitif que vient de créer Swann, l'empereur du show-business, mythe vivant protégé par quelques gros bras sans états d'âme, lui-même compositeur en panne sèche d'inspiration et ci-devant directeur de la maison de disques de la mort. Alors Swann signe un contrat avec Winslow, s'empare de sa musique et s'arrange pour faire disparaître le naïf compositeur... Winslow parvient pourtant à s'évader. Privé de sa voix et de son visage (vous verrez vous-même le pourquoi du comment), il revient hanter les coulisses du « Paradise », véritable fantôme vivant assoiffé de revanche... « Le Fantôme de l'Opéra » immortalisé par Gaston Leroux, plus le mythe de Faust et des emprunts au « Portrait de Dorian Gray » d'Oscar Wilde, tout cela compose un cocktail détonnant auquel la verve et l'imagination visuelle de Brian De Palma donnent une rare saveur. Phantom of the Paradise, c'est du cinéma de fête, un régal pour les amateurs de mélodrame baroque, un morceau de choix pour les fans d'humour satirique et de fantaisie débridée, un grand moment pour les amoureux du fantastique (ça commence à faire du monde...). Du cinéma bourré de vitamines et de références à la culture populaire, ô combien jouissif... (d'après la chronique rédigée par mes collègues du cinéma Utopia de Bordeaux). (Invasion of the body snatchers) réalisé par Don Siegel, avec Kevin McCarthy, Dana Wynter, Larry Gates, Sam Peckinpah (!) écrit par Daniel Mainwaring USA 1956 1H23 VOST Quand le docteur Miles Bennel, exerçant l'honorable profession de médecin de famille dans la paisible ville de Santa Mira en Californie, retrouve son amie de longue date Becky Driscoll, il ne se doute pas que cette rencontre va le mener aux portes de la folie. Alors qu'on se dit que ces deux fringants jeunes gens, tous deux fraîchement divorcés, vont tomber dans les bras l'un de l'autre au bout des 90 minutes réglementaires, Becky fiche tout par terre en demandant à Miles de surveiller son oncle, qu'elle prétend ne plus reconnaître. Bonne pâte , il s'exécute, et après un bref examen ne trouve rien à redire. Ouf, fausse piste...on peut donc continuer à dragouiller tranquille en invitant sa belle au restaurant, quand soudain Miles est appelé en urgence chez un couple d'amis, Jack et Theodora Belicek, qui viennent de faire une macabre découverte : le corps d'un inconnu gisant dans leur maison, un corps...bizarre, comme inachevé, aux traits flous et dépourvus d'empreintes digitales, mais qui mesure exactement la même taille que Jack... Même si vous l'avez tous certainement déjà vu, ou vu ses remakes, ou simplement en avez entendu parler, je me refuse à dévoiler davantage aux yeux des quelques rares chanceux qui le découvriraient l'intrigue de ce monument du film paranoïaque, qui fit d'un modeste roman de SF destiné au mieux à devenir une série B comme il s'en produisait à la pelle l’œuvre séminale de la contre-culture qui allait jaillir dix ans plus tard. Le mérite en revient au producteur Walter Wanger, qui eut la bonne idée de réunir Don Siegel, pas encore célèbre mais déjà réalisateur chevronné de thrillers, et Daniel Mainwaring, scénariste réputé pour ses idées libérales. C'est de cette alliance inattendue entre la maîtrise des codes du Film Noir et la volonté de commenter la vague d'hystérie anti-communiste que le pays venait d'essuyer que naît la réussite du film. Construit comme un immense flash-back s'ouvrant dans un hôpital psychiatrique, le récit que Miles fait de ses infortunes face à « l'ennemi intérieur » est d'autant plus angoissant qu'il s'inscrit dans le paysage hyperréaliste des petites villes américaines et de ses habitants auquel le spectateur de l'époque ne peut que s'identifier. Constamment tenu en haleine par un récit sec, nerveux, brutal, il assiste impuissant à la destruction d'une communauté humaine inconsciente du danger par une « entité » constituée d'êtres factices aux personnalités indifférenciées... Si le film est indiscutablement un produit de sont temps (la guerre froide, la chasse aux sorcières) transposant fidèlement dans le registre de la science-fiction la peur bien réelle qu'éprouvait les américains de voir le monde s'immoler dans un holocauste nucléaire ou, dans le cas de ce film, le voir sapé de l'intérieur lors d'une invasion pernicieuse des corps et des âmes par des idées corruptrices, il est assez intelligent pour ne jamais mettre grossièrement les pieds dans le plat ; c'est ce qui fait qu'on peut aujourd'hui encore prendre un vrai plaisir à le revoir, alors qu'il ne viendrait à l'esprit de personne de s'infliger des films aussi métaphoriquement lourdingues qu'Invaders from Mars, pour n'en citer qu'un. Au contraire, la contre-culture naissante s'est emparée du film et y a vu une fable prophétique des dangers que conservatisme et conformisme feront peser sur la démocratie (Nixon regnante). C'est d'ailleurs exactement la grille de lecture qu 'adoptera Phillip Kauffman quand en 1978 il en signera le remake, et vous savez quoi ? Il réussira même à surpasser l'original ! Paradoxal ? Certes, mais c'est à la diversité des interprétations qu'il provoque qu'on peut juger de la richesse d'une œuvre, et celle-ci frôle l'ISF ! ...Et que vient faire la profanation de sépultures là dedans me direz-vous ? Et bien absolument rien ! Il s'agit d'une erreur de traduction du distributeur français de l'époque, c'est désopilant ! ...Comment ça y a tromperie sur la marchandise ? Et ben t'avais qu'à lire ce texte jusqu'au bout, fainéant ! écrit et réalisé par Alex de la Iglesia, produit par les frères Almodovar ! Espagne, 1993, VOST, 1h35, interdit aux – de 12 ans lors de sa sortie en France avec Antonio Resines, Rossy de Palma, Alex Angulo, Frédérique Feder, Fernando Guillen En 2012, le monde souffre et geint sous la férule des gens beaux, riches et cultivés, reléguant dans l'ombre les scrofuleux, les pieds-bots, les pue-du-bec et les analphabètes. Heureusement pour nous les laids, un groupuscule terroriste composé d'handicapés moteur et surtout mentaux au regard de leur performances ( l'un d'entre eux s’enorgueillissant d'être un nain bossu, juif, franc-maçon et communiste, il ne lui manque que d'être noir comme dans la blague de Coluche) baptisé « Action Mutante » entend mettre fin à cette immonde dictature en enlevant la fille d'un riche producteur de biscuits ; mais les choses vont mal tourner lorsque la rançon devra être versé aux kidnappeurs sur la planète Axturia, peuplée de monstres belliqueux... Comment ? Vous n'en avez pas entendu parler au journal de Pernaud ? C'est que vous êtes mal renseigné, ou que vous connaissez mal la filmo d'Alex de la Iglesia. Pour ceux qui connaissent l'animal, dont nous avions programmé le fantabuleux « 800 balles », ce pitch ne sera pas une surprise. Premier long-métrage d'un réalisateur qui a depuis connu la consécration avec des films aussi divers que « Le jour de la Bête », « Le crime farpait » ou le tout récent « Balada triste », Action Mutante est l’œuvre d'un jeune homme de 29 ans qui ne se donne aucunes limites, et surtout pas celles du bon goût. Démarrant comme un brûlot antifasciste sur la musique de « Mission impossible », le film vire rapidement dans le délire anarchisant où le gore le plus trash le dispute à l'humour le plus débile (la fille à la bouche agrafée, le jumeau mort attaché au survivant). Constamment déconnant, ouvertement idiot, Action Mutante peut être considéré comme l'expression la plus libre de la fameuse Movida ! |
Absurde SéanceToutes les chroniques écrites dans le cadre du festival entre 2011 et 2015 Catégories
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