écrit et réalisé par Cédric Dupuis, avec Olivier Bureau, Nathalie Van Tongelen, Céline Berti, Mickael Collart, Jérome Thévenet, Sébastien Venture, Jonathan Jure. France 2011 78mn vidéo Il y a des films qui se vivent comme des épreuves mais dont on sort grandi pour peu qu'on y survive. Cette leçon s'applique parfois aux artistes qui y ont participé, parfois aux spectateurs qui s'y sont confrontés, plus rarement aux deux en même temps. "Making oFF" est de ceux-là. A ceux d'entre vous, fidèles lecteurs de cette rubrique, que la programmation de ce film hors-norme pourrait choquer, je tiens à rappeler qu'ici à Utopia, nous avons à coeur de ne pas nous contenter de diffuser des films qui caressent dans le sens du poil. Non, on nous le reproche assez, mais notre rôle tel que nous l'entendons, c'est d'être modestement un acteur de la vie publique, qui prend parti, appelle à la reflexion, à la critique, à la dénonciation des scandales qui menacent chaque jour notre fragile démocratie. C'est pourquoi nous sommes fiers de proposer dans ce cadre une soirée-débat axée autour du thème: "la soif de gloire dans une société surmédiatisée aboutit-elle à une serial-killerisation des (faibles d') esprits?", au travers de l'étude d'un cas clinique qui va bouleverser le pays: celui de Cédric Dupuis. Son histoire tient du drame antique, en ce qu'elle relève d'une notion classique que les Grecs nommaient "Hubris", l'orgueil démesuré qui offense les dieux et déchaine leur colère. Cédric Dupuis est un homme sans histoires, et c'est bien cela son problème: il crève de n'être personne. Miné par son insignifiance, il cherche une planche de salut pour le sortir de sa médiocrité, et comme la majorité des hommes de sa génération, gavée de télé-réalité, de jeux vidéos déréalisants et de films "gornos", elle ne se présente plus sous la forme d'un accomplissement personnel au service d'autrui, non; pour lui un seul mot d'ordre: la célébrité. Tout de suite. A n'importe quel prix. Comme si un désir aussi infantile chez un adulte n'était pas suffisamment inquiétant, Cédric décide que pour y parvenir, il allait tout simplement tourner " le plus grand film gore de tous les temps"... Petit problème: Cédric n'a ni argent ni talent, mais en revanche il a des amis, prêts à l'aider à concrétiser son rêve. Armé de son seul caméscope et d'une foi en béton armé sur ses capacités à mener son projet à bien, Cédric entame le tournage...qui vire rapidement au cauchemar. Confronté à la nullité de ses interprètes, à l'indigence de ses décors et à la pauvreté des effets spéciaux, bref, en langage psychiatrique, au principe de réalité, Cédric sombre dans une folie meutrière; passant devant la caméra, il mets en scène un premier meurtre plus du tout simulé, suivi d'un viol sur cadavre ( oui oui, nous parlons bien de nécrophilie); une machine infernale s'enclenche dans sa tête, qui le conduira à éliminer tous les obstacles à la réalisation de son fantasme. Et à ce moment là vous vous dîtes: mais de quoi parle t-il? Et comment le sait-il? Et bien, parce qu'il nous reste une trace de cette tragédie. En effet, et c'est peut-être le plus incroyable, Cédric Dupuis avait prévu dès le départ de documenter lui-même le tournage de son chef d'oeuvre en tournant en parallèle le making-of. Ce qui l'était moins, c'est que ce making-of deviendrait le témoignage-confession d'une folie à l'oeuvre sous nos yeux, en même temps que la preuve de l'existence d'un film inachevé, et condamné à ne jamais voir le jour. Suite à cet épisode psychotique Cédric Dupuis a été interné à l'hopital Olivier Bureau de Bordeaux, où on lui a diagnostiqué un sévère ANS, ou Arthur J. Nelson Syndrom, en français Complexe Emile Couzinet. Depuis sa liberté conditionnelle il sillonne le pays accompagné par certains rescapés pour mettre en garde la jeunesse de France contre les conséquences d'un abus de débilité télévisuelle. Ce témoignage bouleversant sortira en DVD en Mai prochain. En l'achetant, vous ferez un geste pour la préservation de la santé mentale de certains milieux socio-professionnels ravagés par la folie des grandeurs et l'immodestie, à l'origine de crimes bien plus terribles que ceux montrés ici. Pour qu'un jour on puisse dire: plus jamais ça.
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